Permaculture - 02.7 - L'interaction des plantes et des animaux

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2.7 L'INTERACTION DES PLANTES ET DES ANIMAUX

Le problème des bons livres de jardinage, c'est qu'ils traitent souvent de chaque espèce comme si elle était faite pour vivre seule. Il y a des exceptions notables, par exemple tout ce qui a été écrit sur les plantes compagnes et quelques publications sur les plantes antagonistes. La seule énumération de quelques-unes des interrelations entre plantes, n'est pas inutile. Les plantes :

  • servent de support à d'autres plantes (la vigne sur les mûriers, les figuiers, les lyciets) ;

  • filtrent le soleil et ombragent d'autres plantes (les caféiers sous les palmiers);

  • fournissent des nutriments pour d'autres plantes (feuilles de consoude pour les pommes de terre);

  • permettent la pollinisation croisée (différentes variétés de pruniers et de noyers) ;

  • vivent en symbiose avec d'autres plantes (champignons sous les chênes, les pins);

  • rejettent ou acceptent d'autres plantes (voir section sur les plantes compagnes);

  • fournissent des greffons (pommiers, poiriers, noyers).

Des listes similaires peuvent être établies pour préciser les relations existant entre plantes et animaux et entre plantes et éléments non organiques. Il est évident que certaines de ces relations (par exemple le greffage) sont connues et mises à profit par les jardiniers sérieux. D'autres (provisions de nutriments) peuvent être la base même de l'agriculture permanente et de l'autosuffisance régionale. Les douloureux avertissements de Lawrence Hill à propos des dangers potentiels de la consommation de la consoude (New Ecologist, 1979)(1) soulignent les autres usages de cette plante comme fumier liquide ou enfoui, ou comme plante médicinale. Le Leucaena, la luzerne, et en fait la plupart des légumineuses (section 3.2), fournissent des éléments essentiels, comme peut le faire toute plante herbacée ou tout arbre assez vigoureux et profondément enraciné pour aller sonder le sol au-dessous des horizons supérieurs lessivés. Dans la nature, toute matière effectue des cycles via le vent, l'eau, la poussière et par l'intermédiaire de l'homme ou d'autres animaux. Certaines plantes et certains animaux accumulent des éléments rares et essentiels, et peuvent être inclus dans un jardin pour cette seule raison.

Dans le Tiers-Monde, les sacs de superphosphate sont coûteux à acquérir (bien que le Coca-Cola soit bon marché). C'est là, en particulier sous les tropiques, que les plantes vivaces à racines profondes ou à racines étalées sont essentielles pour la culture.

Lorsqu'on veut mettre au point un système, il faut prendre en considération cette synergie naturelle qui existe entre les plantes et les animaux ; c'est-à-dire, plus simplement, qu'il faut disposer correctement les plantes et les animaux pour en obtenir un troisième bénéfice venant de leur interaction. Quelques exemples spécifiques sont donnés ci-dessous.

Dans l'étude précieuse de Peter Atsatt et Dennis O’Dowd, « Associations de défense des plantes» (plantes servant à protéger d'autres plantes), les interactions entre plantes sont définies des trois façons suivantes:

  • I certaines plantes hébergent des prédateurs qui attaquent les insectes nuisibles pour d'autres plantes. C'est ainsi que la Phacelia plantée dans les vergers réduit l'incidence des attaques de Prospatella. Du sorgho ou de la luzerne, plantés entre les rangs de coton, diverses Ombellifères (aneth, fenouil) avec les Crucifères (chou, chou-fleur), les fraisiers dans les vergers de pêchers, les ronces près des vignes, etc., ont tous une action similaire. Dans de nombreux cas, ces plantes sont efficaces sur une seule espèce nuisible, mais il arrive aussi (comme dans le cas du fenouil ou de l'aneth) quelles attirent ou nourrissent des prédateurs qui dévorent de nombreux autres insectes sur toute l'étendue du jardin.

A l'inverse, certaines plantes (Berberis) transmettent des maladies à d'autres (rouille des céréales) et forment des réservoirs de réinfection. Elles sont contre-indiquées, ou utilisées délibérément pour supprimer des espèces indésirables.

  • 2 Les plantes repoussent les animaux qui veulent s'en nourrir par des moyens physiques (épines) ou chimiques (phénols). Les Renoncules protègent les Graminées de la dent des herbivores du fait de leur lactone irritante, l'anémonine. De la même façon, le Trifolium fragiferum (Trèfle porte-fraise) protège le Trèfle blanc des lièvres. Lorsqu'ils en ont besoin, les jardiniers aborigènes peuvent utiliser l'Haplopappus tenuirostris pour éloigner ou même tuer les ânes et les chevaux sauvages ; et les listes de plantes toxiques abondent. Même les chèvres sauvages meurent lorsqu'elles broutent des pousses de rhododendron ou d'azalées.

Telles sont donc les défenses de l'infortuné fellah contre le troupeau prédateur du nomade et les incursions du bétail mal gardé dans son jardin. On invoque des « interférences » olfactives pour expliquer pourquoi les Crucifères cultivées avec des tomates sont moins sujettes aux attaques d'insectes, bien qu'une autre explication publiée dans le New Scientist (nov. 78) offre d'intéressantes perspectives: des plantes dispersées parmi d'autres apparaissent dispersées aux insectes nuisibles, mais une fois qu'ils se sont développés sur certaines plantes, ces dernières apparaissent à leurs prédateurs comme des sources concentrées de nourriture. De toute façon (et en laissant de côté les études des ordinateurs), la dispersion de plantes parmi des espèces variées réduit grandement le problème de parasites, comme le prouvent de nombreuses études.

L'ombre portée par les plantes peut protéger certains insectes ou d'autres plantes des attaques des prédateurs, Atsatt et O’Dowd citent l'exemple de la « Klamath Weed », qui est ainsi protégée des scarabées mangeurs de feuilles, et (Peter Ebbsworth, communication personnelle) l'ombre portée sur les mares par les arbres qui les bordent protège les larves de moustiques de leurs prédateurs efficaces que sont les nototectes. On voit ainsi que tout facteur peut-être utilisé à la fois pour et contre la survie d'une espèce.

  • 3 Les plantes-appâts peuvent éloigner les parasites d'autres plantes, et même réduire leur nombre. Le Nepeta (cataire) exerce une attraction fatale sur les chats. Un de mes amis avait un Grand-Duc dans une cage à larges mailles. Il mangeait les chats qui venaient pour le tuer. La combinaison Nepeta plus Grand-Duc peut donc être mortelle pour les chats errants ! Atsatt et O'Dowd ont remarqué que des espèces de Solanum (S. nigrum, etc.), plantées avec les pommes de terre attirent des masses d'oeufs de doryphores pour qui elles sont un appât mortel. Ces végétaux attractifs, complétés par des pièges mécaniques, peuvent permettre d'éliminer ou d'immobiliser nombre d'animaux ou d'insectes s'approchant des plantes. Les kangourous en Tasmanie sont attirés par le « bois à kangourous » (Pittosporum bicolor) et les mouches à viande par la mauvaise odeur que dégage l'Arum dracunculus ou Dragonnier. Les glaïeuls piègent et éliminent la pourriture de l'oignon en empêchant le champignon de produire ses spores.

Il est particulièrement intéressant de noter que la plantation alternée ou en quinconce de plantes résistantes et non-résistantes peut empêcher l'accumulation des parasites et rend inutile de faire sans cesse la course aux variétés résistantes. J'ai cultivé des fèves de printemps et d'été, non pas pour la nourriture, mais pour attirer des pucerons, et donc leurs prédateurs.

La conclusion des articles de Science présente un grand intérêt, car elle indique qu'« un bon petit peu » de variété, juste ce qu'il faut, est la clé de la stabilité. Et nous pouvons concevoir et fortifier nous-mêmes ces « associations de défense des plantes » qui existent naturellement, dans la mesure où nous pouvons réussir à déterminer comment elles marchent, comme ci-dessus. Voilà pour ces interactions mais il y a d'autres stratégies, plus ou moins directes, par exemples :

  • Plantes en contact bénéfique ou nécessaire par leurs racines ou par des gaz.

Les pommes et les pissenlits dégagent de l'éthylène, gaz qui permet aux ananas et aux bananes de mûrir. Le Quandong ne peut germer et s'établir que s'il crée une association au niveau des racines avec d'autres plantes. Les oeillets d'Inde empêchent les attaques de nématodes sur les racines des agrumes, etc.

  • Plantes produisant des facteurs toxiques ou hostiles à la vie d'autres plantes.

L'ombre profonde qui règne sous les Coprosma empêche les herbes indésirables de s'y développer ; les phénols produits par les fougères, les noyers et les pins inhibent la croissance d'autres plantes, et les Graminées sécrètent des substances qui tueront les jeunes arbres.

Tous ces facteurs peuvent être employés avec profit ou ne servir à rien du fait d'une mauvaise planification.

Il faut aussi considérer les facteurs de relation avec le fumier et les éléments minéraux, en particulier dans les jardins éloignés :

  • les espèces comme la consoude et les Coprosmas fournissent de la potasse pour les pommes de terre (comme mulch ou en enfouissant les feuilles) ;

  • les espèces comme la luzerne arborescente ou les Leucaenas fournissent l'azote essentiel sous forme de mulch, et les Légumineuses de plus petite taille en apportent également, dans les nodules de leurs racines (voir aussi Co-Evolution Quarterly, 36, automne 1978).

Les facteurs physiques comme les abris, l'ombre, la réflexion ou l'utilisation de l'eau font que les plantes réagissent les unes sur les autres, certaines servant aux autres de brise-vent, les ombrageant ou les hébergeant. De nombreuses plantes « rampantes » en protègent d'autres jusqu'à ce qu'elles soient adultes.

Le jardinier qui sait observer peut se rendre compte par lui-même de la façon dont les plantes bénéficient des associations, tandis que l'adepte sans cervelle de la monoculture essaie de maintenir à grand prix l'uniformité, ce qui hypothéquera son terrain.

Tous les éleveurs qui sont intéressés par ce qui se passe autour d'eux devraient lire Newman Turner33 - un homme qui a su observer son bétail. En incluant délibérément des plantes médicinales et vermifuges dans ses pâturages, il permit à ses bêtes de rester en bonne santé malgré elles. Il y a maintenant de très bons livres sur la médecine par les plantes pour guider le débutant.

Il y a des livres qui donnent des informations suspectes, telles ceux qui recommandent l'ail pour repousser la noctuelle du chou. Comme on plante l'ail quand la noctuelle entre en hibernation (en automne), on peut dire que son effet est vraiment cosmique (la noctuelle disparaît dès qu'on plante l'ail). Les contes de fées ne sont pas rares.

Il existe cependant de nombreuses raisons de planter des plantes pour d'autres plantes, comme j'ai essayé de le montrer dans cette section. Et même si les dévas et les fées ont une action, il en est de même pour des effets plus terre à terre. Les personnes qui pratiquent la permaculture peuvent concevoir la planification d'un jardin comme un exercice intellectuel, avec beaucoup de coups possibles et infiniment plus de pièces que l'homme ou que l'ordinateur ne peut manipuler. Malheureusement, de nombreux cultivateurs manquent de fair-play et empoisonnent leurs adversaires (et leurs clients), plutôt que de les combattre avec leur cerveau. Mais les bons agriculteurs sont toujours de bons observateurs et peuvent renforcer les alliances efficaces qu'ils rencontrent par hasard, tout en laissant les associations plus faibles s'étioler si elles le veulent.

 

1. Les Animaux

Il est absolument impossible, en dehors des conditions parfaitement stériles des laboratoires, d'exclure les animaux de l'agriculture. Qu'on les nomme insectes nuisibles, microorganismes du sol, animaux domestiques ou sauvages, ils pénètrent tout système et en font partie. Comme les plantes, les animaux ont souffert de la monoculture et des approches mono-intellectuelles. Considérés exclusivement comme une source de viande, de fourrures, de peaux ou d'oeufs, ils ont été forcés à produire en dépensant une énergie maximale, d'où maladies et produits de qualité inférieure et dangereux, contaminés par des additifs, des hormones et des graisses saturées.

La question est donc : comment faut-il les utiliser ? En permaculture, nous devons essayer d'employer toutes les possibilités énergétiques d'un élément, et ce qui est unique chez les animaux, c'est qu'ils fournissent des produits utiles à partir de matériaux qui seraient autrement inaccessibles à l'homme. C'est ainsi que les animaux peuvent être utilisés comme :

  • producteurs de viande, de fibres, d'oeufs, de duvet, etc., à partir de produits peu utiles à l'homme en tant que tel ;

  • fournisseurs de fumiers de haute qualité, provenant souvent des déchets de l'homme ;

  • pollinisateurs des plantes, et récupérateurs, rassemblant des matériaux dispersés à travers la permaculture ;

  • sources de chaleur rayonnant de leur corps, à utiliser dans les systèmes clos telles les serres et les granges;

  • producteurs de gaz (CO2 et méthane), à utiliser là aussi dans les systèmes clos telles les serres et les composteurs;

  • tracteurs, creusant la terre. Dans les espaces clos et sur les petits terrains, la volaille, les porcs et les poissons retournent efficacement le sol, le désherbent et l'engraissent ;

  • animaux de trait (de toutes capacités), faisant fonctionner pompes et véhicules ;

  • bulldozers pionniers pour défricher et fumer les zones difficiles avant de les planter;

  • pour contrôler les parasites, en dévorant les nymphes et les oeufs de ces derniers dans les fruits tombés à terre, ou dans les arbres et les arbustes;

  • pour concentrer des nutriments spécifiques utiles à l'homme, comme l'azote et les phosphates provenant des mouches et des guêpes;

  • pour nettoyer les filtres à eau ; et

  • pour tondre l'herbe à ras, aidant ainsi à prévenir les incendies.

Pour mettre ces différentes fonctions à profit, nous n'avons qu'à planifier en contrôlant le nombre des animaux et l'espace qui leur est dévolu.

Toute population animale produit un surplus provenant de son accroissement naturel, là où on les gère pour se reproduire. Comme une forêt trop dense, trop d'animaux en un même lieu deviennent non-productifs. C'est ainsi que des populations denses de poissons en lac ou en rivière ne peuvent grandir, et que les populations denses de mammifères ou d'oiseaux s'éclaircissent d'elles-mêmes par le manque de nourriture, le stress provenant de leur entassement et la mortalité épidémique des maladies qui s'ensuivent.

La plupart des pressions de sélection de cette nature s'exercent sur les animaux jeunes ou très vieux, de même que dans les populations humaines, ce sont les enfants et les vieillards qui sont les premiers à souffrir de la famine et des troubles sociaux. Ceci dénote l'erreur des règlements de pêche, qui prennent en considération la « taille minimale », et qui commandent que les petits poissons soient « rejetés », pour grandir. Nous devrions rejeter les poissons qui sont en âge de se reproduire et utiliser les petits. Aucun fermier ne pourrait survivre s'il tuait le bétail qui peut se reproduire, et aucune organisation de la pêche ne pourrait fonctionner convenablement avec une si mauvaise gestion.

Si nous ne nous chargeons pas de limiter les espèces animales, la nature le fera pour nous — principalement en réduisant le nombre des populations par des catastrophes dues à la surpopulation. Exclure les animaux des zones agricoles signifie les tuer à long terme, et de même que l'homme lui-même est décomposé par les bactéries et les vers, de même peut-il agir comme décomposeur en matière de surplus d'animaux.

Tant que nous gérons les animaux, qu'ils soient domestiques ou sauvages, nous pouvons maintenir des populations saines capables de se reproduire. L'accent est mis dans ce livre sur le pâturage libre, de façon à ce que chaque animal soit utilisé dans toutes ses fonctions, sans être placé dans un enclos, ou restreint par des moyens coûteux en énergie. Il y a cependant des raisons morales ou religieuses pour ne pas tuer les animaux, et des raisons économiques pour ne pas les nourrir avec des céréales, qui sont coûteuses. La valeur de nombreuses espèces animales vient de ce qu'elles peuvent utiliser comme nourriture des matériaux que l'homme ne pourrait valoriser autrement (insectes, fruits tombés, cellulose), et leur rôle essentiel sous les tropiques est de transformer les feuilles des arbres et les céréales des moussons en nutriments et en fumier riche et disponible.

Des Graminées trop luxuriantes peuvent submerger l'homme et ses jardins si elles ne sont pas contrôlées par des espèces qui les broutent, et nous pouvons donc voir comment les prescriptions religieuses ont (dans leur climat natif) une base écologique saine : dans les zones de mousson les bovins sont des auxiliaires indispensables de l'agriculture. Mais de telles restrictions ne se transposent pas bien sous tous les climats, et nous devrions adopter une moralité adaptée à chaque lieu.

Les plantes sans des animaux qui les mangent sont comme des fraises sans crème, ou comme un homme sans femme. En ce sens aussi, les animaux « supportent la moitié du ciel » et ont toujours un rôle bénéfique à jouer en relation avec des espèces végétales. De même que nous pouvons mettre au point des ensembles de plantes, de même pouvons-nous réaliser des associations bénéfiques entre espèces animales, et intégrer les systèmes de plantes aux systèmes d'animaux avec des avantages mutuels. C'est ainsi que presque tout ce que nous avons dit à propos de plantes pourrait être répété à propos des animaux, et pour compliquer les choses, nous pouvons utiliser les interactions des structures concernant les plantes et les animaux, dont certaines sont esquissées dans la section 8.

1 Qu'il a lui-même réfuté par la suite : la consommation de la consoude est sans danger. N. du T.

Publié dans Permaculture

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